Les journalistes s’unissent pour demander la fin de la violence et un « nouveau départ » pour la liberté de la presse en Irak

Les dirigeants des journalistes d’Irak ont annoncé cette semaine un programme d’action visant à créer une nouvelle organisation de journalistes unifiée pour combattre la violence contre les médias, promouvoir un journalisme respectueux de la déontologie et véritablement indépendant et pour mettre fin au cycle actuel de manipulations qui a contaminé toutes les formes de presse.

Une nouvelle organisation –Le groupe consultatif national des journalistes irakiens– qui rassemble les éléments progressistes de l’ancien syndicat des journalistes et les responsables du nouveau syndicat de la presse, de même que les journalistes kurdes, a indiqué que la première des priorités était l’élimination de toutes les menaces de violence à l’encontre des journalistes. Depuis l’invasion américaine voici deux ans, 73 salariés des médias ont été tués dans le pays, dont plus de la moitié sont irakiens.

« C’est la première fois que la voix d’un journalisme irakien authentique et indépendant peut se faire entendre », a dit mercredi Aidan White, secrétaire général de la FIJ en présentant le nouveau programme lors d’une rencontre à Amman sur les médias et la bonne gouvernance à laquelle participaient des experts gouvernementaux et des médias venus de tout le monde arabe.

« C’est un puissant appel en faveur d’un nouveau départ pour la liberté de la presse dans le pays », a-t-il dit. « Si nos confrères irakiens réussissent, ce sera le signal d’un changement significatif, non seulement pour le journalisme en Irak, mais pour les médias à travers l’ensemble du monde arabe. »

Les revendications des journalistes irakiens ont été énoncées à l’occasion d’une série de rencontres à Bruxelles, durant quatre jours, à la fin de la semaine dernière. Les journalistes irakiens se sont mis d’accord pour organiser une conférence unitaire à Bagdad en avril lors de laquelle ils formuleront l’exigence de nouvelles règles pour les médias, un code de déontologie, des changements rapides dans le Code du travail pour mettre un terme à ce qu’ils décrivent comme des conditions de travail scandaleuses pour les journalistes et les salariés des médias.

« Ce qu’ils veulent par-dessus tout, c’est de l’action et la fin de déclarations de bonnes intention sans valeur de la part de politiciens bien intentionnés », dit A. White. « Les journalistes sont très cyniques à l’égard de promesses de réformes non suivies de mesures pratiques pour faire face aux problèmes de vie et de mort auxquels ils sont quotidiennement confrontés. »

Les journalistes irakiens affirment que la sécurité de l’information doit être la priorité des priorités dans la construction d’un nouvel Irak démocratique et ils ont lancé une nouvelle campagne baptisée « Rendre compte et survivre » visant à réduire la vague de violence contre les médias. Ils appellent aussi à la libération des collaborateurs des médias retenus comme otages.

Le 8 avril cette année, ils envisagent d’organiser des manifestations dans les villes à travers l’Irak pour protester contre l’impunité dans les meurtres de journalistes. Ils affirment la nécessité d’enquêter complètement et de façon indépendante sur tous les cas de violence, d’intimidation et d’assassinat de professionnels des médias. La date correspond au deuxième anniversaire de l’attaque américaine contre l’hôtel Palestine à Bagdad dans laquelle deux journalistes sont morts. Ils représentent deux des douze salariés des médias tués par des soldats américains, ces morts n’ayant toujours pas été correctement expliquées ni fait l’objet d’une enquête digne de ce nom.

« Ce jour-là, les journalistes du monde entier protesteront à nouveau contre l’impunité et le secret sur ces morts, et, en particulier, le refus des Etats-Unis d’assumer la responsabilité de ses actions en Irak ayant conduit à la mort de journalistes », a ajouté White.

Pour la FIJ, la démission la semaine dernière du directeur de l’information de CNN Eason Jordan, qui a dû renoncer à son poste sous l’intense pression de commentateurs de la droite américaine pour des remarques qu’il aurait faites le mois dernier au Forum économique mondial en Suisse dans lesquelles il a souligné l’incapacité des militaires américains à protéger les journalistes, est la preuve de cette « culture de la dénégation » aux Etats-Unis.

« Un défenseur du journalisme et des droits des journalistes a été lynché par un mélange empoisonné d’hystérie, d’intolérance et d’ignorance quant à la crise à laquelle sont confrontés les journalistes en Irak », a dit White. La FIJ indique que le 8 avril, l’accent mis sur la responsabilité américaine dans les attaques contre les journalistes et collaborateurs des médias continuera chaque année jusqu’à ce que Washington soit prête à admettre ses fautes.

Au même titre que les questions liées à la sécurité de l’information, les journalistes irakiens appellent à des réformes internes d’ampleur qui créeront un meilleur équilibre éthique dans le travail des médias irakiens. Ils demandent une action permettant de fournir une formation professionnelle et d’améliorer le niveau des médias.

En particulier, ils appellent les médias et leurs sources à éviter les formes de journalisme, à la fois en ce qui concerne les images et le langage, qui contribuent à perpétuer une culture d’intolérance et de violence dans le pays.

La FIJ a mis au point un projet de grande ampleur destiné à promouvoir l’unité professionnelle des journalistes et l’amélioration des conditions de travail ; des coordinateurs ont été désignés, représentant différentes associations de journalistes travaillant à partir de Bagdad et du Kurdistan, dans le nord.

La FIJ envisage également l’ouverture d’un bureau international de solidarité pour les journaliste en Irak.

« Bien que les journalistes irakiens travaillent dans le monde équivoque de l’intimidation et des pressions, on perçoit un optimisme impressionnant », a dit White lors de la conférence d’Amman. « Ils savent que davantage doit être fait et sont prêts à y jouer leur rôle ».

« Ils veulent des dirigeants politiques leur apportant le soutien nécessaire à la création d’un système médiatique véritablement pluraliste et professionnel dirigé par des Irakiens et non de grandioses projets venus de l’extérieur dont la crédibilité est atteinte, du fait de soutiens financiers émanant de gouvernements qui semblent n’être intéressés que par les médias soutenant leurs politiques. »

Plus d’information: + 32 2 235 22 06
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