Le journalisme mis à mort en 2006 : Selon la FIJ, 155 assassinats et meurtres inexpliqués au cours d’une année d’une exceptionnelle violence

Selon la Fédération internationale des journalistes (FIJ), 2006 a été une année tragique pour les médias dans le monde, les meurtres de journalistes et travailleurs des médias ayant atteint des niveaux historiques avec au moins 155, meurtres, assassinats et morts inexpliquées.

« Les médias sont devenus plus puissants et le journalisme est de venu plus dangereux, indique Aidan White, secrétaire général de la FIJ. 2006 est la pire année que nous ayons enregistrée, une année de violence au cours de laquelle on a délibérément visé et tué les journalistes avec impunité. »

Au cours de l’année, les nombres ont commencé à croître avec la guerre civile et la résistance à l’occupation militaire en Irak. La FIJ affirme que les médias sont devenus les cibles principales d’attaques terroristes ou les victimes de l’incompétence des militaires. A la fin de l’année, 68 travailleurs des médias avaient été tués, portant à 170 le nombre des tué dans le pays depuis l’invasion en avril 2003.

Ailleurs dans le monde, la FIJ souligne que la persistance de la violence en Amérique latine, particulièrement au Mexique, en Colombie et au Venezuela, a coûté la vie à 37 travailleurs des médias, tandis qu’en Asie, les attaques persistantes aux Philippines et au Sri Lanka ont porté le total des journalistes tués à 34.


Le seul signe positif est intervenu dans les derniers jours de l’année, observe la FIJ, lorsque les Nations Unies, pour la première fois de leur histoire, ont publié une déclaration condamnant les attaques contre les journalistes et appelant à des poursuites judiciaires contre les assassins des travailleurs des médias.

Dans une résolution adoptée le 23 décembre, le Conseil de sécurité des nations Unies a appelé à l’unanimité les gouvernements à respecter la loi internationale et à protéger les civils dans les conflits armés. Le Conseil a appelé à la fin de l’impunité et à la poursuite des assassins de journalistes et a décidé » de préparer un rapport annuel sur les risques auxquels sont confrontés les médias.

« Ce fut le seul moment d’espoir dans une année désespérément sombre, a dit White. Pour la première fois, les Nations Unies ont mis l’accent sur l’aggravation de la crise des médias. Il était temps ! Nous voulons que des mesures soient prises contre les pays qui laissent tuer des journalistes en toute impunité.»

Les chiffres enregistrés pour 2006 par la FIJ sont les suivants :
Meurtres, assassinats délibérés et morts inexpliquées : 155
Ne sont pas comprises les morts accidentelles en mission : 22

Le record précédent avait été enregistré l’année dernière, lorsque la FIJ avait enregistré 154 morts, un nombre gonflé tragiquement par la mort accidentelle de 48 journalistes iraniens qui accompagnaient des militaires. Mais cette année, il y a eu bien moins d’accident : seulement 22.

Les détails complets figurent dans le rapport de la FIJ – Le journalisme mis à mort – qui sera publié à la mi-janvier. Le rapport couvre également le travail du Fonds de sécurité de la FIJ, qui fournit une aide humanitaire aux victimes de la violence et à leurs familles.

L’accent porte une fois encore sur l’Irak, où la FIJ a vigoureusement mené campagne contre l’impunité dans les meurtres de journalistes. Depuis trois ans, la FIJ a organisé une journée de protestation le 8 avril, le jour où, en 2003, trois journalistes sont morts sous le feu américain à Bagdad. On a enregistré 19 morts similaires en Irak et dans tous ces cas, les médias concernées et les familles des victimes attendent toujours des rapports indépendants et crédibles sur ce qui s’est véritablement passé.

En octobre, un juge au Royaume Unis a déclaré que l’une des victimes, Terry Lloyd, avait été tuée illégalement par des soldats américains aux abords de Bassorah. Son interprète Hussein Osman a également été tué et le caméraman Fred Nérac, porté disparu, est présumé mort. Il y a eu des appels à des poursuites judiciaires contre des soldats américains impliqués dans ce cas et dans beaucoup d’autres ;

Néanmoins, durant l’année 2006, la très grande majorité des meurtres est le fait de groupes terroristes ou communautaires qui ont de fait interdit l’accès des rues de Bagdad et de nombreuses autres villes aux équipes de reporters.

Mais pour la FIJ, la crise d’impunité n’est pas circonscrite aux zones de conflit.

Le 12 décembre, la Fédération s’est jointe à d’autres organisations de défense de la presse pour lancer une Commission internationale d’enquête sur les meurtres de journalistes en Russie. Cette action fait suite à l’assassinat de la journaliste d’investigation Anna Politkovskaya à Moscou le 7 octobre. Sa mort était la dernière en date d’une série de plus de 200 journalistes tués depuis 1993. Beaucoup d’entre eux ont trouvé une explication, mais depuis l’accession au pouvoir du président Vladimir poutine, près de 40 meurtres de journalistes ont eu lieu sans qu’aucun n’ait reçu une explication satisfaisante.

Les Philippines viennent immédiatement après l’Irak en tant que zone dangereuse pour les journalistes, indique la FIJ qui souligne que 13 journalistes sont morts en 2006, portant à 49 le nombre de travailleurs des médias tués depuis l’arrivée au pouvoir de Gloria Arroyo en 2001, dépassant le nombre atteint durant les 14 ans de la dictature de Marcos.

Et en Amérique latine, les journalistes mexicains ont ravi la première place à leurs confrères de Colombie en ce qui concerne le risque qui attend ceux qui enquêtent sur le crime et la corruption : dix d’entre eux sont morts, la plupart des journalistes d’investigation.

En Afrique, les pays déchirés par des conflits internes s’avèrent être les plus dangereux pour les journalistes : le journaliste indépendant suédois Martin Adler a été abattu alors qu’il filmait une manifestation à Mogadiscio et le journaliste soudanais Mohammed Tahaun, un rédacteur en chef expérimenté, a été enlevé et tué.

« C’et une année au cours de laquelle de petits pas ont été accomplis pour faire face à cette catastrophe qui frappe les médias, observe White. Le sujet sera au cœur du Congrès de la FIJ qui se tiendra à Moscou en mai. Mais nous devons faire davantage, particulièrement pour aider les victimes de la violence et traduire les assassins de nos confrères devant la justice. » 

Contact:
Aidan White: 32 478 258 669
Rachel Cohen: 32 484 597 591