Rapport du Groupe Expert Freelance (FREG/GEF) de la Féderation Européen des Journalists (FEJ): Enquête sur le statut social des journalistes indépendants en Europe

Phase I, Octobre 1997: revenu

Ce questionnaire a été envoyé, le 15 mai 1997, aux 45 membres de la FEJ, répartis dans 35 pays. 20 de ces membres, originaires de 19 pays, y ont répondu (au 20 octobre 1997). Le statut social des journalistes freelances a été évalué sur base de leur revenu, par rapport au revenu des journalistes employés. Les autres points étudiés ont été: le droit de déduire des frais professionnels pour réduire les taxes, la sécurité sociale sous forme de pécule de vacances, l'assurance « soins de santé » et autres couvertures, ainsi que les allocations de chômage. Une meilleure formation contribue plus efficacement à l'enrichissement matériel. C'est pourquoi le soutien octroyé aux études des journalistes freelances et aux formations professionnelles supplémentaires figurait au rang des grands thèmes de débat. Une participation inférieure à 50% (des syndicats membres) peut sembler faible. Néanmoins, les résultats obtenus couvrent un échantillon intéressant de pays européens, replacés dans leurs contextes historique, économique, social et culturel. Si nous n'avons pu reconstituer l'ensemble du puzzle, les quelques pièces dont nous disposons nous en donnent déjà un bon aperçu. A voir leurs réponses, il est évident que certains syndicats se sont basés sur des enquêtes menées auprès de leur personnel freelance. Par contre, d'autres syndicats fournissent des informations plus vagues. Qu'à cela ne tienne! Chaque information vaut son pesant d'or. (Les tableaux sont toujours pas disponsibles sous forme numerique. Pardonnez-nous...)

Tableau 1. Revenu

Les chiffres ont été exprimés en devises locales. Nous les avons convertis en dollars américains, pour permettre certaines comparaisons. Le taux de change appliqué a été relevé dans le « <cite>Financial Times</cite> » du 17 octobre 1997. En analysant ces chiffres, ne perdons pas de vue que:

  • Le salaire correspond au niveau de vie général du pays


  • Le concept « revenu » peut avoir plusieurs définitions. Entendons-nous par ce terme, le chiffre d'affaires global ou le chiffre de ventes du freelance? Dans ce cas, il faudra d'abord procéder à une déduction des charges professionnelles, pour obtenir le salaire réel, qui constitue la base imposable.

    Prenons l'exemple du Danemark. Le chiffre d'affaires mensuel d'un freelance danois se monte à US$ 3.879. Le chiffre $ 3.668 correspond quant à lui au revenu après déduction des dépenses, donc, à la base imposable.

    Nous ne savons pas qui, parmi les membres ayant répondu au questionnaire, a défini le « revenu » comme chiffre d'affaires global ou salaire . Mais nous penchons plutôt pour la première proposition, puisque nous avions demandé à obtenir le « revenu brut avant taxation ».

  • Le revenu dépend également du type d'activité du freelance, ainsi que de la définition de son statut, variant selon le pays. Est-il/elle considéré(e) comme salarié(e), comme indépendant(e) ou comme chef d'entreprise? Les pratiques changent d'un pays à l'autre, voire même au sein d'un seul pays, comme cela s'est vérifié dans les réponses fournies par le Danemark et la Norvège. L'imposition et le droit de déduction des charges professionnelles sont également fonction du type d'activité. Nous avons uniquement demandé si les dépenses entraînées dans le cadre de l'exercice de la profession étaient déductibles. En effet, approfondir les pratiques fiscales des autres pays se serait avéré une tâche trop compliquée.

Dès lors que nous ne disposons pas du revenu net des freelances, nous ne pouvons pas non plus évaluer leur niveau de vie réel. Afin de combler cette lacune dans notre enquête, nous avons comparé le revenu moyen d'un indépendant à celui d'un journaliste employé. A l'issue de cet exercice, nous sommes parvenus à une situation plausible. Il apparaît que dans la majorité des pays ayant répondu au questionnaire, les freelances gagnent moins que les employés. Pour obtenir des détails chiffrés, veuillez vous référer au tableau. Mais est-ce bien ainsi dans la réalité? La situation pourrait être pire encore pour les freelances, compte tenu de ce qu'ils payent pour pratiquer le journalisme à titre professionnel. Nous pouvons nous faire une meilleure idée de la situation en nous rapportant au tableau relatif à la sécurité sociale.

Tableau 2. Pécule de vacances

Nous constatons que seuls quatre pays ont mis en place, dans une certaine mesure, un système de pécule de vacances pour les freelances. L'octroi du pécule est soumis à certaines conditions. Ainsi, par exemple, un freelance doit obtenir un certain niveau de revenu, pour pouvoir aspirer à des congés payés par sa maison d'édition. Au Danemark, par contre, ce sont les conventions collectives entre freelances et certaines maisons d'édition, qui prévoient une clause sur le pécule de vacances. Ainsi, la pratique n'est pas généralisée à tous les aspects du travail du freelance. Les freelances sont considérés comme des indépendants, ou des chefs de petites entreprises. C'est pourquoi les employeurs ne sont pas tenus de leur verser un pécule de vacances. Cela signifie que le freelance, s'il souhaite s'offrir des vacances, devra épargner au moins l'équivalent d'un mois et demi de revenu net, pour se permettre quatre semaines de vacances. Pourquoi autant? Parce que ses charges courantes, telles que le loyer de son bureau et de l'installation, l'entretien du matériel, les cotisations de sécurité sociale et les assurances, ainsi que le remboursement éventuel d'un emprunt à la banque devront aussi être payées durant ce mois de vacances.

Tableau 3. Assurance « soins de santé »

Ce tableau illustre la précarité du statut de freelance dans de nombreux pays. Exclus du système de sécurité sociale défini par la loi, les freelances sont laissés à eux-mêmes. Il est surprenant de constater que dans certains pays, les freelances s'acquittent de sommes assez considérables au profit de caisses d'assurance de soins de santé, publiques ou privées, pour ne recevoir en échange qu'une maigre indemnité journalière en cas de maladie. Plus grave encore, la législation de certains autres pays en matière d'assurance « soins de santé » ne prévoit même pas le cas des freelances, ou ne prévoit aucune indemnité à leur verser en cas de maladie.

Tableau 4. Assurance « accident » et assurance-vie

A l'origine de cette question, le fait que, dans de nombreux pays, ce sont les freelances qui sont envoyés en « ligne de front »; ils remplissent plus de missions dangereuses que leurs confrères employés et s'impliquent également dans des conflits, afin d'améliorer leurs rentrées, ou de mener leurs investigations. Le tableau dresse le bilan précis de la situation en Europe.

Tableau 5. Allocations de chômage

Puisqu'ils sont leur propre patron, il est inimaginable qu'ils tombent au chômage. Ainsi réagit l'opinion publique. Cependant, en période de troubles économiques ou de dépression, le chômage affecte les freelances aussi gravement que les employés. Par ailleurs, la menace de chômage, de durée plus ou moins longue, les guette aussi en période de conjoncture économique favorable. Les allocations de chômage varient trop fort que pour être facilement comparées. C'est pourquoi nous n'avons pas conservé cette partie de l'enquête. Mais, nous pouvons malgré tout en déduire que les allocations versées par l'Etat aux freelances sont, en règle générale, insignifiantes. Afin d'aider les freelances dans leurs épreuves pour le moins pénibles, un système de péréquation pourrait être mis en place, qui leur permettrait de payer moins de taxes durant les périodes de faible conjoncture.

Tableau 6. Bourses d'études

Pour la plupart, les freelances travaillent individuellement et sont souvent seuls, privés du soutien professionnel et moral propre à l'environnement d'un département de rédaction. C'est pourquoi des formations professionnelles approfondies, et autres formations spécifiques aux freelances ou formations spécialisées (telles que les langues) s'imposent. Nous avons demandé aux syndicats de définir les moyens de financement de ces types de formation ou d'études, et s'il existe des fonds de soutien aux freelances, dans ce cadre. Les réponses nous ont appris que le nombre de bourses destinées aux freelances, qu'elles soient octroyées par l'Etat ou les syndicats, est plutôt limité. Par contre, plus de la moitié des syndicats organisent des formations gratuites, ou à prix réduit, à l'attention des freelances. Dans certains cas, des fonds privés accordent une aide financière aux freelances. Au Danemark et en Finlande, les droits d'auteur sont destinés au financement des bourses d'études, dont les demandes sont envoyées et examinées par les associations. Tutta Runeberg