La FIJ et l'AMJ condamnent l'acharnement des autorités contre une radio indépendante au Cameroun

La Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) et l'Association Mondiale des Journaux (AMJ) ont condamné aujourd'hui le harcèlement politico-judiciaire exercé par les autorités camerounaises à l'encontre de Freedom FM.

Les autorités ont multiplié les obstacles à la création de Freedom FM. La radio est gérée par le groupe multimédia Le Messager, dont le journal est connu dans le pays pour l'indépendance de son ton et de ses commentaires.

« La politique d'attribution de fréquences et d'autorisation de diffusion au Cameroun relève d'une véritable provocation », a déclaré Aidan White, Secrétaire Général de la FIJ. « La multiplication des barrières administratives à la création de Freedom FM en particulier démontre une politique visant à réduire au silence de façon systématique les médias indépendants » a t-il ajouté.

Le directeur général de l’AMJ, Timothy Balding, a déclaré : « La réputation internationale du gouvernement camerounais est gravement affectée par la persécution incessante de Freedom FM et de son directeur, Pius Njawe, qui compte parmi les défenseurs de la liberté de la presse les plus engagés en Afrique. Les délais dans les procédures légales, les amendes et la confiscation des équipements ont clairement pour but de faire taire Freedom FM ».

Au gré des procédures, les autorités ont requis un changement de nom, tenté d'imposer les thématiques abordées, jusqu'à limiter le champ d'investigation des journalistes aux « accidents de la route » puis au « développement urbain ». Elles ont ensuite exigé une délocalisation de l'émetteur à plus de 70 km de la ville. Enfin, la fréquence octroyée à la radio a été cédée à une organisation tierce, alors que les autorités évoquaient des problèmes d'interférence avec la radio nationale de Guinée Equatoriale.

« Bien qu'aucun journaliste ne soit emprisonné actuellement au Cameroun, la presse subit quotidiennement une forme de répression de plus en plus sophistiquée ; les menaces de mort et autres intimidations au rang desquelles les agressions, sont monnaie courante », a déclaré Pius N. Njawé, Directeur du Messager.

A la veille du lancement de la radio, fin mai 2003, des troupes mixtes (militaires, gendarmes et policiers) ont pris d'assaut les locaux de la radio, sous le commandement du délégué à la sûreté nationale et d'un représentant du Ministère de la Communication. Les troupes ont posé des scellés et bloquent, depuis, l'accès au bâtiment. Les travaux d'étanchéité n'ayant pas été terminés avant la saison des pluies, l'état actuel du matériel, un investissement d'une valeur de 60 millions CFA environ (109.000 euros), est très préoccupant.

Le juge des référés "d'heure à heure" (en fait de mois à mois) chargé de l'affaire a prononcé le renvoi de la « procédure d’urgence » à de multiples reprises. Lors de la 21ème audience, le 14 janvier dernier, le représentant de la Délégation Générale à la Sûreté Nationale, M. Landry MFOUM MINKOUA, venu spécialement de la capitale Yaoundé, a déclaré que le matériel importé par le groupe était si « perfectionné » qu’il permettait des contacts avec « des personnes particulières » susceptibles de « fomenter contre le régime ». Le juge des référés a finalement rendu son verdict hier 26 janvier, lors de la 23ème audience, en se déclarant incompétent pour ordonner la main levée des scellées sur les installations et les équipements de Freedom FM, sous le prétexte que l’intervention des forces de l’ordre étaient intervenues « en exécution de l'arrêté du ministre de la communication » portant interdiction de la radio.

« Ces accusations sont porteuses de graves et très inquiétantes menaces » a déclaré White. « Il est scandaleux qu’une procédure d’urgence aboutisse après 5 mois à un tel discours ».

Le ministre de la Communication, Jacques Fame Ndongo, lui-même journaliste de formation, a en effet engagé une autre procédure, au pénal, devant le juge correctionnel de Douala contre Pius N. Njawé et le groupe multimédia Le Messager pour « création illégale d'une entreprise de communication audiovisuelle » ; le ministre demande la condamnation du directeur du groupe, le paiement d'une amende de 300.000 à 3.000.000 de francs CFA, et surtout la saisie des équipements de la radio. Cette autre affaire a été renvoyée également à de multiples reprises, la dernière en date pour le 12 février, suite à un défaut de paiement du Ministère de la Communication qui n’a pas réglé la consignation de 30 000 FCFA (moins de 50 euros) pour la saisie du tribunal.

« Les autorités soutiennent avec vergogne que ce blocage de la procédure pénale, dont elles sont responsables, s’impose à la procédure civile introduite par le groupe en urgence» a déclaré Pius N. Njawé. « Il s’agit donc d’une réelle manœuvre dilatoire, qui cherche à étouffer notre droit fondamental d’accès à la justice ».

La Fédération Internationale des Journalistes et l'Association Mondiale des Journaux font part de leur grave préoccupation quant aux pressions exercées sur les médias indépendants alors que se profile l'élection présidentielle de 2004, prévue en octobre prochain. Elles demandent instamment aux autorités camerounaises de mettre un terme aux attaques contre la liberté d'expression, de lever au plus vite le siège de Freedom FM et de rembourser les dommages occasionnés.

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