La Déclaration d'Abuja (Nigeria) - Ethique et autorégulation

Ethique du Journalisme et Autorégulation

Conférence FIJ - WAJA Abuja, les 3 & 4 avril 2000

PROCLAMATION D'ABUJA

Une importante conférence sur l'éthique du journalisme et l'autorégulation, la première du genre à s'être déroulée au Nigeria depuis la restauration d'un pouvoir civil, a eu lieu à Abuja (capitale fédérale du Nigeria), les 3 et 4 avril 2000. Organisée sous les auspices de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) et de la WAJA (Association des journalistes d'Afrique Occidentale), cette conférence a permis de réunir des journalistes et des représentants des organes de réglementation de cette sous-région, lesquels ont arrêté la déclaration suivante :

ORGANES DE REGLEMENTATION

Il existe trois sortes d'autorégulation, que les journalistes sont prêts à adopter : Conseils statutaires de presse : malgré la présence en leur sein d'un représentant du gouvernement, ils conserveront cependant toute liberté d'action au niveau de la sélection de leurs membres et de leur financement. Conseils volontaires de presse institués par les journalistes eux-mêmes et leurs organisations. Comités d'éthique appartenant aux organisations de journalistes. Toutefois, les principes suivants devront généralement s'appliquer aux organes de réglementation de la presse : Les pouvoirs devront émaner de la Constitution. Des réglementations annexes devront appuyer les droits garantis en vertu de la Constitution. La Constitution doit explicitement garantir la liberté de la presse, en plus de ses dispositions générales relatives à la liberté d'expression. Les organes de réglementation devront se composer de représentants élus et compétents, issus de toutes les couches de la société, y compris du pouvoir judiciaire ainsi que d'autres parties intéressées par les médias. Les hauts responsables des organes de réglementation seront désignés par les membres, et non par le gouvernement ou par des institutions extérieures. Le gouvernement ne pourra intervenir dans leur financement, à moins que celui-ci soit garanti par des dispositions constitutionnelles destinées à assurer l'autonomie financière de ces organes. Les sanctions infligées par les organes de réglementation ne pourront être d'une sévérité telle qu'elles pourraient porter atteinte à la liberté de la presse. Les conseils de presse ne pourront jamais être investis du pouvoir d'infliger de lourdes amendes ou des peines d'emprisonnement, ce pouvoir ne pouvant être exercé que par les tribunaux.

ETHIQUE DU JOURNALISME

De l'avis des participants : Le journalisme est une profession qui met en valeur les principes de l'éthique. L'éthique du journalisme relève en particulier de la conscience de chacun. Par conséquent, les journalistes devront témoigner d'un respect envers eux-mêmes, envers leur profession, et surtout, envers la société dans laquelle ils travaillent. Dans leurs pays respectifs, les professionnels de la communication devront instaurer les conditions aptes à permettre l'exercice de la profession, grâce à : (i) l'élaboration de codes déontologiques dénués d'ambiguïté (ii) la création d'un cadre adapté à chacun. Les pouvoirs publics sont responsables de l'instauration d'un cadre juridique conforme à la Constitution et respectueux des droits humains fondamentaux, concernant en particulier la liberté d'expression et la liberté de la presse. Les professionnels de la communication et de la presse, en collaboration avec la société civile, devront se concerter avec les pouvoirs publics afin d'obtenir des législations autorisant un libre exercice du journalisme. Les professionnels de l'information et de la communication devront accomplir leur travail en ayant la volonté de se libérer de toute emprise de la part des pouvoirs politiques, économiques, financiers et autres. Le programme d'enseignement des écoles et des associations de journalisme devra contenir des cours d'éthique, qui seront impartis à tous les degrés de la formation journalistique.

LA PRESSE ET LES LOIS SUR LA DIFFAMATION ET LA PROTECTION DE LA VIE PRIVEE

Après des délibérations exhaustives qui ont permis de prendre connaissance des tendances des législations internationales sur les droits de l'homme, de la jurisprudence et des régimes institutionnels légaux, l'assemblée déclare ce qui suit : Toutes les lois qui visent à freiner le développement d'une presse dynamique, en particulier celles qui prévoient de sanctionner très lourdement l'activité journalistique, devront être abrogées. Les actions des hauts responsables et des fonctionnaires publics, ainsi que des hommes politiques, devront pouvoir faire l'objet d'un examen plus approfondi de la part des médias. Les déclarations d'opinion ou les jugements sur les valeurs ne devront pas être assujettis à l'obligation d'un apport de preuves et de témoignages. Il conviendrait de décourager la pratique courante consistant à infliger des peines pour diffamation. Les sanctions encourues dans de telles circonstances devront être proportionnelles au préjudice subi. En gardant à l'esprit l'importance d'une société bien informée, les articles de presse relatifs à des matières d'intérêt public ne pourront faire l'objet de poursuites en diffamation. La pratique d'un journalisme responsable devra être encouragée.

RECOMMENDATION ET FELICITATIONS

L'assemblée recommande aux journalistes du Nigeria, qui forment la confraternité de presse la plus importante de cette sous-région, d'instituer un environnement favorable à l'épanouissement des médias. Les organisateurs - la FIJ & la WAJA - ont été félicités pour avoir mis en place ce forum, lequel a révélé toute son utilité en permettant d'explorer de nouveaux territoires en ce qui concerne la promotion de l'éthique et du professionnalisme. La suggestion a été émise d'organiser une manifestation de suivi. Abuja, le 4 avril 2000