Le 31 mars, la journaliste du quotidien Assabah, Monia Arfaoui, a été inculpée par la justice tunisienne après avoir été visée par deux plaintes en diffamation déposées par le ministre des Affaires religieuses Ibrahim Chebbi, concernant un article critiquant sa gestion de l’organisation d’un pèlerinage à la Mecque. Le journaliste Mohamed Boughaleb doit également comparaître devant la justice suite aux poursuites du même ministère sur fond d’accusations d’imputation d’actes illégaux à un agent public, de diffamation et de publication de fausses informations.
Les deux journalistes sont mis en examen sur base du chapitre 24 du décret présidentiel n°54 sur les systèmes d'information et de communication, promulgué en septembre 2022. Un texte taxé par les organisations des médias d’être utilisé pour “réprimer les critiques formulées à l’encontre des politiques publiques”.
Cette décision s’inscrit dans un contexte plus large de répression flagrante de la liberté de la presse et d’informer dans le pays. Le lundi 10 avril, le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Ibrahim Bouderbala, a annoncé que seule la chaîne de télévision nationale tunisienne aurait l’autorisation de couvrir les travaux du Parlement dédiés à l’adoption de son règlement intérieur. Cette décision survient quelques semaines après que le Parlement a déjà décidé d’interdire aux médias et aux journalistes indépendants - nationaux et internationaux- d’accéder à sa première session. Le 17 mars dernier, la présidence de l’ARP s’était pourtant engagée auprès du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) à respecter la liberté du travail journalistique au sein de l’Assemblée.
Le président du SNJT, Mahdi Jlassi a déclaré: “Ibrahim Bouderbala s’était engagé à garantir une ouverture de l’ARP aux médias. Ceci n’a pas eu lieu. La décision est dangereuse puisque cette assemblée s’octroie un droit dont elle ne dispose pas. Ceci reflète les véritables intentions de l’ARP… Le parlement s’est transformé en chambre noire.”
A la suite des mobilisations des journalistes et du SNJT le lendemain, mardi 11 avril, les journalistes ont pu accéder à l'ARP pour couvrir la session le 12 avril au matin.
Anthony Bellanger, secrétaire général de la FIJ, a déclaré : “Nous assistons à une dégradation flagrante de la liberté d’informer en Tunisie et cette situation menace non seulement nos consoeurs et confrères exerçant sur le terrain, mais aussi le droit du public d’être décemment informé. Nous exigeons des autorités du pays qu’elles mettent fin immédiatement à leur stratégie d’intimidation de la presse."